Ce soir, c'est la fête. Je vais au carnaval. Il y aura un concert, on va sûrement danser ! Metro. Changement. Re-metro. À la sortie je prends la rue dans le mauvais sens. Demi-tour, jusqu'au no 26. C'est marrant, il y a des planches aux fenêtres, on ne se douterait pas qu'il y a un bar ici. Et où sont les foules du carnaval ? je suis trop en retard, une fois de plus...
Je pousse la porte. J'entre. Je lève les yeux. Il y a un trou ouvert à la pioche dans le mur en face.
Le contre-plaqué pendouille un peu dans l'ouverture. C'est la communication avec la pièce du fond. Des traces de fléchettes à côté du passage. À gauche, un zinc dont les reflets sont aussi douteux que ceux des cheveux du barman. Trois loubards en blouson de cuir me regardent entrer. A part un sofa miteux, la salle est vide.
Avec mon plus bel air dégagé, je commande une bière. Le type n'a pas l'air de bien comprendre (ce que je fais là), mais il me concède quand même une Kro tiédasse.
"Hey, Clem's ! on est là !" Dans un coin, 1 pote, 1 de ses potes, et 1 pote du pote de ma pote illuminent ma journée. C'est en leur souriant que je réalise à quel point les zygomatiques peuvent être sensibles au stress. Résultat mon sourire est un peu de travers. Mais ils ne s'en formalisent pas, et m'emmènent à l'étage. La salle est pleine. De foule, de fumée, de fumette. Comme l'odeur de sueur devient un peu entêtante à l'arrière, nous nous approchons des 3 musiciens "de rue" qui jouent du banjo de la guitare et du synthé. Le guitariste déclame un poème d'Artaud. La salle aboie en réponse (le poème s'appelle
Dieu le chien).
"Allez, faites pas les timides, venez devant !" Je suis les autres qui vont s'asseoir au premier rang. Bien calée entre DéDé Gros Bras et Maria la blafarde, j'observe avec attendrissement la petite fille de 6 ans qui danse avec son ballon en forme de coeur et les capsules de bière qu'elle a ramassées par terre. Une jeune femme succède aux musiciens et se met à chanter à pleine voix des hymnes anarchistes. L'assemblée participe. Une fille raconte que la personne à qui elle a confié son sac est partie avec, ne laissant qu'un économe...